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| - Il avait presque atteint le hublot. À l’extérieur, il aperçut la forme d’une créature qui se dirigeait vers l’ouverture. C’était un lion de mer ballotté par les courants. Genn luttait contre les forces qui tentaient de l’entraîner dans les profondeurs. Il luttait contre la noirceur de son esprit qui voulait l’attirer dans les ténèbres avec la même force. Il ferma les yeux. Lorsqu’il les rouvrit, il vit une main violette tendue dans sa direction, par le hublot. C’était Talar, résistant aux courants le poussant vers l’intérieur en se tenant solidement de son autre main au rebord de l’ouverture. Genn plongea son regard dans les yeux luisants de l’elfe de la nuit, puis aperçut sa main tendue. Talar était venu le chercher. Il avait risqué sa vie pour sauver un homme qu’il connaissait à peine et qu’il appréciait peu. Dans un ultime effort, rassemblant les forces qui lui restaient, Genn bondit, tendant la main jusqu’à ce que Talar puisse la saisir fermement. Puis tout s’obscurcit.
* * * La missive était déroulée sur la table. Liam la frappa de la main, essayant d’appuyer son discours. Il n’était qu’un adolescent, mais il allait tout de même exprimer son opinion. Il était terrifié, en colère, et en complet désaccord avec son père. « Je ne te retiens pas, Liam. J’ai écouté ce que tu pensais, et je n’apprécie pas cette démonstration, déclara Genn en prenant une autre gorgée de vin. — Et si cette peste venait jusqu’ici ? Que ferions-nous, alors ? insista son fils. — C’est la raison pour laquelle le mur protège notre royaume » rétorqua Genn. Il commençait à se sentir un peu ivre, et cette conversation lui donnait la migraine. « Et si ces créatures parvenaient à franchir votre mur ? Que se passerait-il, père ? Pire encore, et si nous avions pu faire quelque chose avant pour les arrêter ? » Genn se leva d’un mouvement brusque et lança sa coupe pleine de vin sur les dalles de pierre. « Comment oses-tu remettre en question les décisions de ton père, morveux ! Sors immédiatement ! » La coupe rebondit dans un bruit métallique, répandant du vin sur le sol, comme le sang coulant d’une blessure fraîchement ouverte. Liam la contempla un instant, avant de reprendre la parole. — Non, sire. Je ne partirai pas avant que vous m’ayez entendu. Vraiment entendu. Que vous m’ayez vraiment écouté, pour une fois. Ils nous supplient, père. Lordaeron ne demande notre aide que parce que la situation est désespérée. Ils meurent à chaque instant. Ce ne sont pas des demandes pour alléger une taxe ou... — Ce sont des demandes qui nous affaiblissent ! Tu veux vraiment aller là-bas ? Tu veux affronter ces monstruosités ? C’est cela ? Eh bien, non. Je ne risquerai pas la vie de mon fils, et des fils de Gilnéas. Mon père ne l’aurait pas fait, et son fils ne le fera pas ! — Vous parlez toujours de grand-père. Toujours. C’est comme si vous n’étiez pas le roi, mais un sénéchal gardant le trône au chaud en attendant son retour. — Comment oses-tu me parler ainsi ?! — Il y a d’autres façons de voir les choses... Ce fils pourrait faire des choix différents de ceux de son père. — Quand j’avais ton âge, tout ce que je voulais, c’était ressembler à mon père. C’est le devoir d’un prince.
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